mardi 19 février 2013

La recherche commune de la Mission de France


Dans le journal intime de Cécile
- Ah ! tu es de la Mission de France ?
- C’est les prêtres ouvriers, c’est ça ?
- Ça existe encore ??
- Mais puisque tu n’es pas prêtre, tu y fais quoi ?
- La quoi ??  la coresponsabilité missionnaire ??  Alors tu es une missionnaire ??  Tu essayes de convertir les gens sur ton lieu de travail ?

Non, je n’essaye pas de convertir les gens sur mon lieu de travail. Mais si au moins je pouvais être une femme du seuil : le pied dans la porte, pour empêcher que le monde ne ferme la porte sur Dieu… Au bureau, on ne parle presque jamais de Dieu, sauf pour savoir ce qu’on a le droit de manger en période de Carême. Ça me déprime d’entendre l’étroitesse de ces allusions. Dieu n’a-t-il de place que dans des prescriptions alimentaires ?  Pauvre Dieu… tant d’amour incompris…
On s’est mis à réfléchir en équipe, en région. On nous a envoyé un fascicule pour la Recherche Commune, le premier d’une série de trois. Ça commence avec un travail de mémoire sur nos situations concrètes. Il s’agit de raconter, de partager, de réfléchir, de discerner.  Ensuite on cherche des échos dans des textes, des vidéos, des œuvres d’art, des chansons, des poèmes, des témoignages… ils ont proposé plein de pistes pour « nourrir » la réflexion. 
Le sujet n’est pas facile. Ils appellent ça « Porter la Question de Dieu ».  Ils me font rire avec leurs expressions. Comme si on pouvait porter la question de Dieu... En réalité, elle pèse plus lourd qu’on ne croit, la question de Dieu.  Il faut sans cesse la relever. Elle est bien souvent au sol, ignorée, ou même piétinée. 
Ça me surprend toujours.  Dieu est ignoré la plupart du temps, sauf quand il arrive un malheur.  Et alors c’est l’accusation. A l’association Familles Monoparentales, elles me disent : « Si Dieu existe, pourquoi n’a-t-il pas empêché tout ça ? Tu prétends que Dieu nous aime, alors pourquoi il nous arrive tous ces malheurs ? » Elles prennent Dieu pour une assurance-vie.  J’essaye de leur dire « Dieu n’est pas ce que vous croyez », mais ensuite elles me demandent : « Alors Dieu c’est qui, c’est quoi ? » Et généralement au bout de deux minutes on ne m’écoute plus.  C’est plus facile de dire ce que Dieu n’est pas, que de dire ce que Dieu est pour moi.
Ils ont fait un site internet, une « plateforme » comme ils disent, avec des ressources multiples, des voix du monde, les voies des marcheurs de Dieu.  Moi qui ne suis pas trop à l’aise avec internet, je ne sais pas comment je vais accéder à toutes ces ressources. Je demanderai à ma petite voisine de m’aider.
Je ne suis pas trop à l’aise non plus pour écrire… alors je me suis dit que j’allais me faire interviewer par mon beau-frère : je raconte - il note des choses - il m’interrompt si c’est pas clair - et à la fin on reprend ses notes pour écrire quelque chose. 
En équipe, on a repris les récits de chacun. C’était très riche et intéressant. Ça nous fait découvrir une incroyable diversité de façons de « porter la question de Dieu ».  Et de là, on a regardé les dix voies possibles, qui résonnent avec notre expérience.  On s’aperçoit que ça nous fait dialoguer avec l’expérience de certains grands spirituels, et même avec le récit biblique ! Pour moi, je me suis trouvée tellement proche du philosophe Compte-Sponville !  Et j’ai été beaucoup inspirée par la chanson Toi que l’on n’homme pas de Jean-Louis Aubert.
Ensuite on s’est mis à rédiger une « contribution » pour l’envoyer à la Mission de France.  Ils en feront ce qu’ils voudront. On a essayé de faire bref et synthétique. Certains d’entre nous ont voulu envoyer leur propre texte, parce qu’il était court.  Ça permettra à l’équipe de pilotage de la Recherche Commune de rebondir sur ce qu’on leur envoie, pour engager l’étape suivante.
Tout ça c’est du travail : pour moi, pour notre équipe, pour le groupe de pilotage. Mais à chaque fois j’en ressors plus éclairée, et désireuse d’aller dire à tous que le Royaume s’est approché de nous.