vendredi 12 octobre 2012

Faut-il une loi pour l'euthanasie ?



Fins de vie :
Vivre ou mourir ?
Regards juridiques, éthiques et anthropologiques[1]



Organisé par l’Adès, Unité Mixe de Recherche UMR 7268 (Aix - Marseille Université) Anthropologie Bio culturelle, Droit, Ethique, et Santé, s’est tenu, à la faculté de Médecine de Marseille, les 4 et 5 octobre 2012 ce colloque qui a réuni 600 participants, en présence de Mr Didier Sicard. La richesse de ce colloque est d’avoir croisé les regards de juristes, philosophes, scientifiques, médecins, professionnels de santé, en particulier engagés dans les soins palliatifs et les Ehpad.

Si je devais résumer en deux lignes, j’écrirais qu’un consensus semble s’être dégagé pour affirmer que la loi 2005 dite « Léonetti » est suffisante. Et même si elle ne résout pas certaines situations extrêmes, il ne faut pas légiférer sur les situations exceptionnelles.

Ce résumé en deux lignes est insuffisant. C’est pourquoi je tente ci-après de rendre compte de la richesse des échanges. Mes notes étant incomplètes, et certaines interventions prêtant plus que d’autres à la prise de note, toutes ne sont pas retranscrites.
Des commentaires personnels sont insérés en bas de page.



Vieillir - esquisse anthropologique
D. Le Breton - anthropologue – Strasbourg.

La vieillesse est un sentiment, non un état civil.
Il y a une normalité à l’œuvre : être jeune, au travail, performant, efficace, séduisant, et à l’inverse, on trouve, haïssables la précarité, le handicap, la vulnérabilité.
La perception de l’âge est sociétale. L’image du corps est essentiellement imaginaire : « Vieillard est le nom que d’autres me donnent. »
La vieillesse est une mesure du goût de vivre.  Elle est souvent vécue comme un enlaidissement, une déchéance.
La vieillesse est un sentiment, une mise à mal progressive de l’idéal du moi. « J’ai accepté mon corps comme un hôte malencontreux. » Ce coup de vieux peut être provoqué par un deuil, le mariage d’un petit-enfant, la retraite, la maladie

Les orientaux considèrent le grand âge non du point de vue de la proximité de la mort et de la déchéance, mais comme expérience et fierté d’être là. Le poète vietnamien célèbre la joie de voir encore un printemps.  Ronsard au contraire ne voit plus que son corps en déchéance.

Chacun de nous a de soi un visage de référence – celui d’une plénitude de vie. La vieillesse se vit comme la perte du visage de référence. [2]
Vieillir c’est se retirer peu à peu de son visage. L’Autre perce sous les traits du visage, une forme lente de défiguration.  Beauvoir : « Je suis devenue une autre tout en restant moi-même. »
Les signes en sont : le renoncement à la toilette, aux vêtements, à l’image de soi.
Le travail du soignant consiste à reconnecter le lien sociétal. Son attitude chaleureuse opère une restauration du sens : coiffure, vêtements, visage, sorties... il faut permettre un narcissisme élémentaire.
Nombreuses personnes meurent dans les premières semaines de leur entrée en institution, vécue comme une dépossession de leur propre vie.



F. Félix, philosophe, Lausanne.
Pour les humains, la mort est toujours présente comme une possibilité, à tout instant. En cela, ils sont des êtres soumis au temps. Les religions, en promettant la vie après la mort, tentent de réduire cette soumission à la mort et au temps.
Celui qui s’approche de la mort perd cette temporalité : il n’y a plus de sursis. C’est l’équipe médicale qui apporte une libération, un sursis, par la rémission ou la guérison. C’est, pour le patient, un moment de jubilation.
Car la souffrance n’est pas la douleur. La souffrance est amoindrissement de la capacité à s’envisager. Le souffrant est rivé à l’instant. Rupture du fil narratif : l’imminence de la mort empêche le patient de se raconter. Voilà la différence entre le soin qui guérit, et le soin qui apaise et soulage.



Les ouvertures de la loi de 2005
D. Giocanti – juriste – Marseille.

La loi de 2005, ce qu’elle ouvre et permet.
Cette loi concerne le moment du passage de la vie à la mort. Elle fut inspirée par la mort de Vincent Imbert et de Chantal Sébire.
- la loi de 2005 est suffisante pour répondre à ces questions
- les réponses qu’elle permet sont toujours au cas par cas – et mettent les médecins dans des situations de doute : onéreux mais nécessaire. [3]
Voulons-nous une loi humaine… ou une loi parfaite ?

La loi consacre le caractère acceptable des médicaments à double effet : l’effet antalgique est le but premier.[4]  Ils apaisent, soulagent, mais aussi ils hâtent la mort, abrègent la vie. 
L’application de cette loi est limitée à la fin de vie. Mais alors, qui est concerné par cette définition de « fin de vie » ? (phase avancée d’une maladie grave et incurable). Est-ce que cela commence avec l’arrêt des traitements ?




Jean Léonetti – rapporteur de la loi de 2005 relative au droit des malades et à la fin de vie.

Quels sont les fondements de la loi ? Vous le savez, car la loi n’est qu’une copie du code de déontologie.
Le patient demande la vérité. « Est-ce que je vais souffrir » demande-t-il ? Il a peur d’être mal accompagné, de mal mourir. Peur de la solitude dernière, et de la perte du sens de la vie. [5]  Le soignant devra alors lui dire : « je vais t’aider à donner sens à ta vie. »

Contrairement à ce que l’on croit, l’éthique ce n’est pas la lutte du bien contre le mal, l’éthique c’est le bien contre le bien ! C’est un conflit de valeurs bonnes.
La médecine triomphante a tendance à délaisser les patients pour lesquels il n’y a plus de perspective de guérison.  Comment sortir de l’abandon ? Comment sortir de la souffrance ?  Par le dialogue, la transparence.
Ulysse s’empêche de céder aux sirènes. Mais il refuse de se boucher les oreilles, parce qu’il veut rester lucide. Et lorsque sa compagne lui propose l’immortalité, il la quitte, car (dit Camus) c’est la fierté de l’humain que d’être mortel. Fierté qui tient à la vulnérabilité humaine.
Il y a une éthique de la vulnérabilité : parce que cette personne est vulnérable, je la protège autant que faire se peut. Et ce faisant, je protège aussi la dignité humaine, au delà du choix singulier du patient.





L’avis n°63 du CCNE sur la fin de vie
Pierre Le Coz, philosophe, Marseille.

Merci à Didier Sicard qui nous alertés sur la frime-éthique. L’éthique doit descendre de son cheval : elle doit s’exercer dans l’interaction, le dialogue avec la salle : interrompez-nous, réagissez !

Lorsque fut publié l’Avis n°63, on ne maîtrisait pas la douleur comme on sait le faire aujourd’hui.
Je voudrais revenir sur quatre points :
1 – vivre et mourir aujourd’hui
2 – mieux mourir aujourd’hui
3 – situations aux limites : l’euthanasie en débat
4 – engagement solidaire et exception d’euthanasie.

1 – Pourquoi demande-t-on l’euthanasie ?
Abandon, angoisse, mais aussi le progrès des techniques, qui fait qu’on ne meurt plus de vieillesse, mais d’une pathologie que la médecine n’a pas plu enrayer : c’est la médicalisation de la mort.  Elle opère une désappropriation du patient.

2 – L’Avis n°63 invente l’obstination déraisonnable, et préfigure la règle du double-effet. [6]

3 – Aux limites : les douleurs réfractaires. Plusieurs positions s’affrontent :

A – Certains disent que la vie est sacrée, elle est un don qui ne peut être laissé à la disposition de l’Homme.
D’autres considèrent que l’interdit de l’euthanasie protège les patients
D’autres considèrent que la médecine ne peut prendre ce rôle
D’autres considèrent que l’on découragerait les efforts en direction du cure

B – Certain plaident en faveur d’une dépénalisation bien encadrée
D’autres considèrent que l’on doit pouvoir être acteur de sa mort comme de sa vie
D’autres considèrent que le statut de la dignité humaine diffère ici de celle implicite dans les positions A, car il appartient à chacun d’estimer la dignité qui est la sienne
D’autres s’insurge que le suicide n’est pas condamnable, mais l’euthanasie oui
D’autres remarquent que l’euthanasie existe déjà ! et qu’il s’agit de l’entériner.

4 – comment éviter d’en rester à une alternative ou A ou B ? comment se tourner vers une troisième voie ?

Il y a des situations hors norme qui appelle la compassion respectueuse.  Ce que le droit ne peut codifier peut trouver une issue humaine et compassionnelle.  Ne peut-on pas accepter que dans certaines situations limites, l’Homme est au dessus de la règle ? [7]




L’assistance au suicide en Suisse
Bernard Baertschi, philosophe, Genève.

En Suisse, le suicide est une liberté, non un droit.
Il y a des parentés entre suicide et euthanasie.

Socrate disait que, de même que l’esclave appartient à son maître et ne peut décider de sa mort, de même nous ne pouvons pas décider de nous suicider
L’argument communautaire d’Aquinus : on ne peut s’appartenir, on est membre d’une société.
Pour Rousseau, le suicide est un vol fait au genre humain, car nous sommes utiles au monde et nous avons des devoirs.
Sénèque (stoïcien) estime que si la vie est un fardeau, on peut vouloir mourir.
Hume : personne ne peut contester notre jugement de la qualité de notre vie.
Locke : c’est l’autonomie qui autorise le suicide. [8]




L’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation en réanimation.
S. Beloucif, anesthésiste-réanimateur, Bobigny.

Tout d’abord une question : l’hydratation, est-ce un traitement ou un soin ?
En France, 500 000 personnes meurent chaque année, dont la moitié à l’hôpital. Et à l’hôpital, la moitié meurent en réa. Les réanimateurs voient chaque année entre 60 et 80 décès. C’est beaucoup. Pour certains soignants, c’est insupportable !

Une confusion demeure dans les esprits : si la loi 2005 préconise, contre l’obstination déraisonnable, l’arrêt des traitements, ça n’a rien à voir avec l’arrêt des soins : les soins ne cessent jamais, jusqu’au bout.

La loi 2005 prévoit pour cette décision une procédure collégiale. Elle est essentielle. Elle prend en compte cinq consultations : les recommandations du patient, l’avis de la famille, l’avis de la personne de confiance, l’avis de l’équipe médicale, et si nécessaire, un autre avis médical (extérieur à l’équipe). Alors seulement, et compte tenu de ces consultations, le médecin prend une décision dont il porte la responsabilité.
Il est tenu de respecter cette procédure consultative. [9]
Dans certains cas extrêmes, pour abréger des souffrances inutiles et insupportables, il peut être nécessaire de transgresser.  Mais la transgression n’est pas désobéissance : elle cherche un bien, au-delà de la règle. [10]




Table ronde.  Fins de vie : Perceptions sociales et croyances.

Pour l’Islâm (Sadek Beloucif), la vie est sacrée. C’est la science qui détermine le choix médical. L’autonomie est seconde. Sont premier : justice, solidarité. La maladie n’est pas une punition ! Les antalgiques sont acceptables : c’est l’intentionnalité qui prime les effets indésirables.

Pour le protestantisme (L. Schweitzer), ce qui dérange dans l’euthanasie, c’est la prétention à maîtriser sa mort, plutôt que de l’accueillir, la recevoir.
La médecine donne l’illusion que la mort ne peut pas venir n’importe quand… on sait quand elle vient.
Si la société acceptait l’euthanasie, elle validerait implicitement la non-dignité de certaines vies, c'est-à-dire que certaines vies ne valent plus d’être vécues
Enfin la dépénalisation de l’euthanasie est une tentation issue de la pression économique, et ce motif n’est pas valide pour légiférer.

Pour le catholicisme (Xavier Lacroix), c’est à la frontière que se posent les questions en rapport à l’arrêt des traitements disproportionnés.
L’euthanasie dite passive est une expression inappropriée. Je suis opposé au suicide assisté.
Il nous faut prêter attention aux situations limites. Mais ça n’est pas une raison pour modifier la loi. Voici pourquoi j’y suis opposé :
- le consentement est difficilement éclairé, et surtout pour une personne vulnérable
- il est des cas où l’état doit protéger la personne contre elle-même, prenons l’exemple de la castration : elle est interdite même à la demande de l’intéressé. Le motif supérieur est alors la dignité de l’Homme.
- reconnaître dans une nouvelle loi qu’il y a des situations exceptionnelles, ça entraînera nombreuses personnes à se sentir de trop, et priées d’en finir.




Point de vue sur les législations belge et suisse
Mme C. Hury, présidente de l’association Ultime Liberté, Paris.

J’ai connu la souffrance dans ma famille, dans ma propre vie. J’ai rencontré une femme qui a été aidée à mourir chez elle, seule, avec un produit.
Aujourd’hui je partage mon énergie pour les gens qui partagent cette philosophie de la vie, je porte la parole de souffrants.

Comment vivre sa fin de vie ? Pourquoi aller à l’étranger pour ça ?
La France, par la loi 1987, poursuit l’incitation au suicide, et poursuit ceux qui sont présents lors de ce suicide, au motif de non-assistance à personne en danger. Il y a en effet des dénonciations, des condamnations. Et même si les magistrats sont cléments, c’est un traumatisme pour ceux qui sont poursuivis.
Il y a besoin d’une loi !  Nos sociétés occidentales ont beaucoup évolué.
Déjà, plusieurs pays ont aménagé la loi en matière de suicide assisté.

A qui appartient mon corps ? [11]   Qui décide pour une personne française qui souhaite maîtriser sa mort ? Dieu ? la famille ? la société ?  Mais si cette personne estime que sa qualité de vie est définitivement altérée !  L’agonie est inacceptable. Il faut en sortir.  L’absence de loi accule les gens : ainsi, la France se place au deuxième rang mondial, derrière le Japon, pour le suicide des personnes âgées.

La Belgique a légiféré pour mettre fin aux euthanasies clandestines. Le dispositif d’accompagnement palliatif est ouvert aux étrangers. Les euthanasies sont, à 80% réalisées dans la région flamande, selon la méthode de l’injection de penthotal. La raison, c’est qu’en Wallonie, on pratique plus de sédations létales, qui ne sont donc pas comptées comme euthanasie.

En Suisse, la loi impose que la personne demandeuse s’administre elle-même le produit létal, c'est-à-dire le boive. De nombreux allemands font appel aux associations (il y a Dignitas, Ex-international, et Live Circle). Le suicide assisté est possible dans un hôpital, mais ce ne sont jamais les soignants qui assistent le demandeur, ce sont uniquement les bénévoles des associations accréditées.

Ce qui est intéressant, c’est que : une fois que la demande d’euthanasie est acceptée par les autorités fédérales suisses, dans 75% des cas, le demandeur ne donne pas suite. En fait, lorsque les personnes ont pu vérifier que cette possibilité d’euthanasie existe, leur angoisse s’apaise, et la demande disparaît.



Euthanasie et droit pénal
D. Viriot-Barrial, juriste, Aix-en-Provence.

Précisons d’emblée qu’en droit pénal, la notion du mobile (d’un acte) n’est pas considérée.
Quelles sont les possibilités de gérer le risque pénal, qui existe puisque la loi ne prend pas en compte l’intention du patient ? Le risque pénal, donc, est lié à l’omission de porter assistance à personne en danger.

Des solutions existent déjà pour la dépénalisation.
1 - le dessaisissement. Il est utilisé dans le cas Imbert, puisque le motif a été modifié : on est passé de l’empoisonnement à l’administration de substance nocive.
2 – la correctionnalisation. Elle consiste en la requalification de l’acte d’accusation, qui n’est plus alors un crime mais un délit.  La difficulté ici, c’est que cette requalification est à la discrétion du magistrat instructeur.
3 – l’exception d’euthanasie. Car en effet déjà existe l’exclusion de responsabilité pénale, dans des cas précis : la légitime défense, l’âge d’un prévenu mineur, l’état d’incapacité mentale.  Mais il reste à faire entrer dans la loi cette exception d’euthanasie.


L’éthique de vie des Témoins de Jéhovah
E. Nowak, Marseille.

Les Témoins de Jéhovah sont présents en France depuis la fin du XIXème siècle. Ils sont 270 000 en France, et 2 millions en Europe.
Les Témoins de Jéhovah aiment la vie, ils la protègent, sont favorables à la médecine moderne, à la recherche médicale, se font vacciner, sont opposés aux toxicomanies, en particulier l’alcoolisme et le tabagisme, sont opposés à l’IVG. La contraception est un libre choix.
Pour les Témoins de Jéhovah le sang est sacré, comme le prescrit le texte biblique. Il n’appartient pas à l’Homme de le verser. C’est pourquoi les Témoins de Jéhovah ne prennent pas part à la guerre.
La bible prescrit de ne pas manger le sang. La transfusion sanguine entre dans ce champ de la non-consommation. C’est un point central de la doctrine chrétienne. Une valeur suprême. [12] L’épargne sanguine en vue d’autotransfusion n’est pas acceptée par les Témoins de Jéhovah.

Le refus de traitement n’est ni refus de soins, ni désir de mort !
La communauté européenne reconnaît le droit au refus de transfusion.
Le Code de Santé Publique stipule la nécessité du consentement au traitement
Aujourd’hui, en France, on ne procède pas à la transfusion sanguine pour un patient qui a clairement déclaré son opposition. [13]



De la loi Léonetti à la décision médicale
Sophie Hamon, Unité Mobile de Soins Palliatifs, Marseille-Nord.

Du curatif au palliatif, on passe peu à peu par différentes étapes. Les moments de choix difficiles se situent à la charnière des étapes, lorsqu’on passe du palliatif actif au palliatif symptomatique.
Le curatif a pour objectif la quantité de vie, la guérison, la rémission longue, alors que le palliatif a pour objectif la qualité de vie, avec la perspective d’une mort prochaine.

Dans un contexte palliatif, ce qui est supérieur au maintien de la vie, c’est la qualité de la vie, qui se mesure en fonction de deux critères, la douleur et la dignité.

Attention, une loi sur l’euthanasie trouvera des dérives nombreuses et rapidement. Il n’est que de constater la pression économique que constituent un million de personnes âgées pensionnaires en Ehpad. C’est peut-être pour ça qu’on envisage une loi sur l’euthanasie ? [14]


Antoine Carlioz [15]




[2] « Elle a dû être très belle. » Cette expression détestable (que j’ai souvent entendue dans ma famille) est symptomatique de ce visage de référence inscrit au passé de l’autre.
[3] Plusieurs fois au cours de ce colloque, reviendra cet attachement au doute nécessaire, sans lequel la décision médicale risque une dérive dangereuse. R. Aubry dira : pour apprendre aux étudiants en médecine à réfléchir, il faut leur apprendre à douter.
[4] Lors du débat avec la salle, une intervention récusera cette expression de double effet pour lui préférer la notion d’effet indésirable… indésirable mais assumé !
[5] Un sondage récent montre qu’une grande majorité de français est favorable à une loi dépénalisant l’euthanasie ; il y a, autour de la mort, tant d’angoisses d’abandon et de souffrance. C’est aussi parce qu’il y a une méconnaissance des possibilités et de la qualité, aujourd’hui, de la sédation de la douleur, et une méconnaissance de la qualité de prise en charge palliative.
[6] Pour François Vialla, juriste (Montpellier), le droit, c’est un cadre d’organisation, un outil. C’est l’expression de la volonté du peuple. Lacordaire dira même : « C’est la liberté qui opprime – c’est la loi qui libère ! »  La dignité n’est pas un état mais une relation sociale.  S’il existe une obstination déraisonnable, n’est-ce pas qu’elle peut être raisonnable ?
[7]  On retrouvera plus loin cette option pour une transgression compassionnelle.
[8]  Avec David Hume et John Locke, s’exprime la conception anglo-saxonne de droit individuel aux préférences personnelles. Au nom de ces libertés individuelles, John Stuart Mill estime que l’Etat n’a pas le droit de prétendre protéger l’individu contre lui-même. Dans la philosophie politique anglaise, la propriété du corps est un droit naturel fondamental. C’est le contraire dans notre culture latine continentale. Le citoyen français n’est pas propriétaire de son corps, il en serait plutôt usufruitier. La culture latine a sans doute voulu éviter la représentation d’un sujet de droit conçu comme propriétaire de son corps, et qui pourrait, dès lors, comme tout propriétaire, se vendre, se louer.
[9] N. Franchitto, médecin à Toulouse, décrit que dans les situations de grande urgence, on travaille sans consentement. Et dans les services de réanimation, parce que la loi 2005 envisage trop peu les situations d’urgence, on procède souvent à des « réanimations d’attente », pour se donner le temps d’approfondir le diagnostic.
[10] Après Pierre Le Coz, Sadek Beloucif est le deuxième à évoquer, contre une autre loi, la possibilité compassionnelle de transgression.
[11] Poser ainsi la question, c’est déjà reconnaître que le corps est une chose. La loi française s’oppose à la réification du corps. Mais le débat reste ouvert, et réitère ici une revendication des années soixante-dix. Pour moi, on ne peut pas dire j’ai un corps, mais plutôt je suis mon corps. Dans la culture anglo-saxonne, cette question de Mme Hury passera mieux.
[12] Je pense que cette interprétation est erronée, car ce qui est fondamental dans le texte biblique, c’est le non-jugement, le choix de la confiance, la liberté à l’égard des biens, le renoncement à l’hypocrisie, c’est la justice, l’accueil de l’immigré, le choix préférentiel pour ceux auxquels s’identifie le Christ (les exclus de toutes sortes, vulnérables, abandonnés, sans droits, malades, prisonniers), l’amour de l’autre et de la vie comme un don de Dieu, une bénédiction. Et donc il y a des choses beaucoup plus importantes que l’interdit de la consommation du sang. Voir une valeur suprême dans ce détail éloigné de l’esprit de l’Evangile est un choix malheureux. Par contre, c’est une particularité qui permet de souder l’identité communautaire des Témoins de Jéhovah.
[13] La loi 2005 protège le médecin qui respecte un refus de traitement. Mais s’il passe outre, peut-il être condamné pour préjudice moral ?
[14] Le jour où on légifère sur l’euthanasie, comment empêcher la pression morale contre ceux qui souffrent du sentiment de coûter cher, d’être devenus inutiles ? et comment stimuler encore la qualité de la prise en charge des personnes en grande dépendance. Comment ne pas se méfier des effets délétères et mortifères de la banalisation progressive de l’euthanasie chez les personnes âgées, aubaine pour les caisses de retraites et les collectivités publiques, soulagement pour les familles qui vivent très difficilement la dépendance de leurs parents.
[15] Antoine Carlioz est docteur en Biologie Moléculaire et Génétique (Université Paris XI – Orsay), titulaire d’un Master de Théologie et Philosophie (Université Catholique de Paris et Duke University, USA) et d’un Master 2 en Ethique Médicale (Aix-Marseille Université). Il est « prêtre au travail », Ingénieur de Recherche du laboratoire d’Oncologie Biologique des Hôpitaux de Marseille. Il émarge à l’UMR 7268 au titre de sa collaboration avec l’espace Ethique Méditerranéen.

Retrieving a way to die


Moving beyond silence and denial
Hidden death
In Molière’s Tartuffe, the sanctimonious character, veiling his face, hypocritically proclaims “Hide this breast that I dare not see”. In our western societies, our dying citizens are being covered under a veil of high-tech medicalization, while resounds the offended protest: “Hide this death that I dare not see!”
I came to the strong conviction that there is something wrong with the way in which our western societies marginalize the dying and over-medicalize death. People are not allowed to die at home anymore. Though the proximity of death is obvious, they die in a place specialized in healing, called hospital. Why? Why do we need to try to hold them a little more? Why are we scared when the last breathings are coming? [1] Truly, it is a disturbing moment, but have we not learned to make our way through disturbing moments? For example our first job interview, our first kiss, our life-long commitment, our first experience of injustice or discrimination … Do we go to the hospital for each of those?! Unendurable death, why? Have we not learned that we are not all-powerful, that we cannot have control on everything? Why do we need to ostracize the dying, and thus to add to their suffering and to ours? What would it take to move away from this deadly “terror,” as Philip Aries puts it,[2] that surrounds human death in western societies? [3]  How could we regain a sense of dying as a part of life? How could we help bring about an improvement in holding death? [4] What would be dying well?
I would like to gather elements of my conviction of how we could move from silence and denial to a recovery of death, its place, its sense. Many offer guidelines, presented hereafter, to what should be a good death. I have two issues with these guidelines. The first one is their centeredness exclusively on the dying person, denying the perspective of relatives. I will suggest instead that a good death should integrate the four-fold relatives’ circles. [5] The second point of disagreement is the emphasis on the notion of control. I will suggest that dying, instead, is a time when one acknowledges one’s loss of control, stretching out one’s hands, letting someone else fasten one’s belt. I offer five criteria, suggesting that dying well is possible within an attitude of awareness, acceptance and gratefulness, in a context of socialization and pain control.
In the first section I offer three narratives where faith plays a role when death is thought of. The second section should be read with the first as a framework. In it, I discuss the above five criteria.
Faith as a treasure … or a curse??
To some people, faith helps to stand in trust and confidence before the perspective of death. Faith in resurrection appears to be a treasure to face death. It brings peace and confidence. By contrast, absence of faith in the resurrection associates with the absence of perspectives.  
1 - Philip. “Death is the end of a wonderful experience. It is sad. It is a great enemy. Death is the final stage of life. It means I cease to exist. I love life so much! Who wants to loose something very special s/he loves?” Philip, 59 years old, firmly believes there is no god and nothing after death. In his family, death was not denied but was not talked about. There was nothing more to say about it than: “Such person died and will be buried such day.” Philip recalls crying alone over his grand-mother’s death. Philip wants to die happy. “If I knew I was dying, I might be depressed.” He doesn’t want to know about death’s coming; he rather wishes euphoric drugs be available to him. He believes in “happy drugs” at the end of life. I find some denial in Philip’s words. The absence of an after-life perspective makes death a final point, not a transition, not a promise. Whether one believes or not that there is something after death influences her/his perspective on death.
2 - Peter died this Monday April 20th 2009 of pancreatic cancer, aged 71. I have known him for the last six month. Peter had known for month that he was dying. [6] Though his pain was taken care of and controlled, his dying has been a torture filled with anguish and guilt. “I am so afraid to be judged a hypocrite”. Peter was brought up in Scotland, and educated in a strict catholic school held by the Jesuits. He has been brought up in the fear of God’s judgment. He was trained to scrutinize his acts, thoughts, words and omissions, and to keep track of sin. Faith did not bring Peter peace and confidence, but fear and guilt.
3 - Donald. Brian called David [7] in tears. His wife just found out that their six-month old fetus was dead in his mother’s womb. Brian and Laura already have three beautiful children, one daughter, aged eight, and two sons, aged six and four. Brian calls because they don’t know how to handle the situation, how to make sense of it. As far as the medical point of view is concerned, they know exactly what to do. They have an appointment tomorrow; the dead fetus will be taken out, with no harm for its mother. But the medical point of view is not the issue. Rather they ask: "What are we going to do with the dead fetus? How can we mourn? Can we celebrate a funeral for an unborn fetus?" David is a wise man. He has experience. Two days later, the family gathers at Avila, a retreat house held by Franciscan sisters. On the grounds of the retreat house there is a cemetery dedicated to just such unborn children. David is there, along with one of the sisters. Together with the family, they walk to the cemetery. Madeleine, the oldest daughter, brings the little box from the family van. Brian digs a little hole, just enough to bury the small wooden box he has crafted himself. Brian and Laura are weeping discretely. The boys instead jump around joyfully. They want to help their dad. Finally they help cover the little box with dirt, and place stones around the filled-up hole. The sister places a cross at the head of the grave. The parents linger alone by the grave. While they need a moment by themselves, the kids are offered cookies and drinks in the kitchen. I find this story exemplary. Death is not hidden nor denied. Children are not kept away. They have a role to play in the burial of their little brother.  Though a funeral cannot be celebrated, something is thought out and held to honor the love, the expectation, the gift of life. Though this life never saw light, it is mourned. Though this fetus never lived, its corpse is not discarded as garbage. The unborn child has been given a name, Donald, which means gift.
A good death
What would a “good death” be? This question only allows a nuanced answer. There are so many different forms of death, and so many different ways men and women react at the hour of their death. The perspective from which this question is asked should also be considered, whether from the dying person’s perspective or from her/his close circle’s perspective. [8], [9]
The US Institute of Medicine has defined a good death as "one that is free from avoidable suffering for patients, families, and caregivers in general accordance with the patients' and families' wishes."[10] This statement rightly takes in account patients, families, and caregivers. It mentions the wishes, implying that they have been expressed and are known. I would add that a good death requires an attitude of awareness, acceptance and gratefulness, in a context of socialization and pain control. I will explain what I mean by these words, and explore what may oppose a good death.
·   Awareness is the knowledge that death is there.[11] Awareness from the dying as well as from the four-fold circle is profitable.
·   Acceptance comes with peace and understanding that death is happening. Acceptance holds hope for a future and manifests openness to eternal love and relief. Acceptance from the dying as well as from the four-fold circle is profitable.
·   Gratefulness is such a beautiful attitude of thankfulness for one’s life. Gratefulness reaches beyond the present moment, to the entire life. Gratefulness raises life to an acknowledged gift. Gratefulness is relational to others and to God. Gratefulness from the dying as well as from the four-fold circle is profitable.
·   Socialization diminishes anguish by helping the dying to feel loved. Socialization allows completing relationships including those that need reconciliation. Socialization should not be invasive, as the dying might want to pass away alone.
·   Pain control is essential, though it does not suffice to avoid suffering, for suffering is larger than pain. Pain prevents socialization and gratefulness, prevents to live the moment and makes one wish to hasten death.
This conditions are rarely gathered. There are several hindrances to these conditions. I would like to list obstacles: over-medicalization – lack of information, unexpectedness.
·   Death can be predictable or unexpected. Yet the dramatic developments of medicine over the past decades have significantly decreased the incidence of sudden death in developed countries. Unexpected death does not allow awareness, nor allows dying to be a process.
·   Absence of information raises incertitude and anguish.
·   Over medicalization exaggerates the attempt to heal, and therefore opposes acceptance and awareness of death.
 “This is right”
As a conclusion, I would like to illustrate my suggestion with the example I best know, the example of my own family. I come from a large family, my mother being the oldest of twelve children. Both her parents died at home in 1992. I was there. Everyone was there, respectfully, deeply moved. Pain was controlled. Death was coming, to the knowledge of all. My grand father, who died first, talked to his wife in his last moments: “You made me happy.” When she was dying, two month later, we talked. She and I said farewell. She took my hand. She had had a beautiful life, she has been a loving and loved person. I thought to myself: “This is right, this is the right way to die.” 



[1] In this text, « we » stands for « our western societies.»
[2] Philippe Ariès, Western Attitudes Towards Death from the Middle Ages to the Present, Baltimore: Johns Hopkins, 1985.  Ariès shows that at the very foundations of Western culture, death used to be too common to be frightening; each life was quietly subordinated to the community, which paid its respects and then moved on. Ariès identifies the first major shift in attitude with the turn of the eleventh century when a sense of individuality began to rise and with it, profound consequences: death no longer meant merely the weakening of community, but rather the destruction of the self. Hence the growing fear of the afterlife, new conceptions of the Last Judgment, and the first attempts (by Masses and other rituals) to guarantee a better life in the next world. In the 1500s attention shifted from the demise of the self to that of the loved one (as family supplants community), and by the nineteenth century death came to be viewed as simply a staging post toward reunion in the hereafter. Finally, Ariès shows why death has become such an unendurable truth nowadays, how it has been nearly banished from our daily lives, and points out what may be done to "re-tame" this secret terror. As Ariès sorts out the tangled mysteries of our accumulated terrors and beliefs, we come to understand the history - indeed the pathology - of our intellectual and psychological tensions in the face of death.
[3] Lucy Bregman, Beyond Silence and Denial: Death and Dying Reconsidered. Louisville, KY: Westminster, John Knox. 1999.
[4] Peter Singer, 1994, Rethinking Life and Death, St. Martin’s Griffin, New York.
[5] I suggest a four-fold circle of relatives: family, friends, pastoral, and medical (the words order is fortuitous, not hierachical).
[6] Dying is not an instant but a period of time. I hold this conviction from my sacramental experience: a sacrament is not limited to the liturgical instant, but is a process by which one prepares one self. For that reason, if someone died in the middle of one’s preparation to baptism, one would be buried as baptized Christian disciple, by virtue of what we call a « baptism of desire.». Baptism of desire (Baptismus Flaminis) is a teaching of the Roman Catholic Church explaining that those who desire baptism, but are not baptized with water through the Christian ritual, because of death, nevertheless bring about the fruits of Baptism. Hence, the Catechism of the Catholic Church observes, "For catechumens who die before their Baptism, their explicit desire to receive it assures them the salvation that they were not able to receive through the sacrament." Applying the same reasoning to dying, I am aware, is considering dying as a sacramental moment. Such is my intention.
[7] David, 74 years old, has been a Catholic priest for 45 years.
[8] A good death, according to John T. Dunlop, M.D., Center for Bioethics & Human Dignity, Zion Clinic, Illinois. This description of a good death makes explicit mention of the faith. It is much centered on the dying person only.
·    A good death is the natural trajectory of faith commitments made earlier in life.
·    … may require advance planning.
·    … has completed relationships including those that need reconciliation.
·    … comes after we cease grip to the things and values of this world and increasingly embrace eternity.
·    … comes to the one whose spirit has been enriched by the difficulties of the end of life.
·    … will often come after a carefully considered decision not to pursue life-sustaining treatment.
·   … is peaceful, for the dying person knows that it will lead to resurrection and eternal life in God’s presence.
[9] Principles of a good death, according to Richard Smith , BMJ 2000; 320:129-130 This version expects a lot of “control”. It almost looks like a good death controls everything until (but when is that??) its time to let it go.
·    To know when death is coming, and to understand what can be expected
·    To be able to retain control of what happens
·    To be afforded dignity and privacy
·    To have control over pain relief and other symptom control
·    To have choice and control over where death occurs (at home or elsewhere)
·    To have access to information and expertise of whatever kind is necessary
·    To have access to any spiritual or emotional support required
·    To have access to hospice care in any location, not only in hospital
·    To have control over who is present and who shares the end
·    To be able to issue advance directives which ensure wishes are respected
·    To have time to say goodbye, and control over other aspects of timing
·    To be able to leave when it is time to go, and not to have life prolonged pointlessly
[11] I try to avoid expressions like “death will come” “or death will happen” which make death an instant instead of a process.