jeudi 29 janvier 2015

Contre l'abnégation

J’ai cru que l’évangile le demandait.
J’ai cru bon d’aimer en renonçant à moi-même,
J’ai cru juste de mettre en retrait mes désirs, mes goûts.
J’ai même cru que ça me sauverait !

C’était une erreur. J’ai dépéri. Ca m'a rendu triste, un peu dépressif.
J’ai cru que Jésus disait « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il se renonce lui-même. »
 
Mais non, Jésus n’a pas demandé ça.
Une telle demande serait malsaine, une telle demande produirait de la négation de soi, ce qui serait une faute contre le don, une faute contre la grâce. Ce serait source de tristesse et de déprime. Je l’ai vu parfois chez des chrétiens. Surtout chez des prêtres.
 
On trouve des prédications qui dénoncent l'esprit de maîtrise : A quoi reconnait-on la marque de Satan ? Au goût de la possession et de la volonté propre. Tout selon mon désir, tout selon ma mesure. La royauté et la loi, l’ordre que j’impose aux éléments, au monde, à mon prochain - tout me sera soumis. Je m’appartiens !
Mais une telle dénonciation risque d'encourager le mépris de soi, et de laisser mal comprendre ce que signifie marcher à la suite du Christ. Je crois que ce serait malsain.
 
Certaines écoles spirituelles nous ont mal aiguillés. Voyez cette glorification de la destruction de soi-même :
« Avant toutes choses, il faut donc faire de moi un homme nouveau ; il faut cesser d'être tout ce que je suis, afin de pouvoir être tout ce que vous prétendez que je sois; […] il faut donc en quelque sorte me détruire moi-même ; puisque cela ne se peut que par de violents combats contre moi-même, que par une mortification continuelle, que par une parfaite abnégation, c'est par là que je vais entrer dans la sainte carrière où vous m'appelez. Tels furent les sentiments d'Ignace, telle fut sa résolution.
Abbaye de Saint Benoît (Suisse) – Sermon pour la fête de St Ignace de Loyola

Si je parle contre l’abnégation, ce n’est pas pour défendre une idée.
Ce n’est pas une idée mais un constat : elle porte trop de mauvais fruits.

Je pense à mes frères semi-dépressifs, qui croient que c’est ce qui leur est demandé.
Dis-moi,
- Est-ce que tu prends soin de toi ? Est-ce que tu te donnes des plaisirs (ou seulement du repos) ? Est-ce que tu fais des choses que tu aimes, par esprit de louange : pour jouir de tes goûts et rendre grâce à Dieu ?
- Est-ce que tu t’interdis de protester lorsqu’on te manque de respect ? Est-ce que tu es d'une gentillesse mal placée ?
- Est-ce que tu subis des réunions chiantes et mal préparées ?
- Est-ce que tu subis les autres – et si oui, pourquoi, qui te l’a demandé ?
 
Le Christ ne demande pas la négation de soi. Il dit : Viens à ma suite et laisse-moi te montrer, te guider. Veux-tu élargir ton regard, et l’élever ? Il te faut renoncer à tout maîtriser dans ta vie, et accepter que le regard aimant et la parole de l’autre peuvent engendrer, comme une bénédiction, une source de renouvellement.
 
 
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1 commentaire:

  1. Oui, c'est vrai : la suite du Christ est très mal comprise, parce qu'on cherche à coller à des modèles du passé comme si l'Esprit nous manquait pour nous inspirer aujourd'hui la manière de le suivre. Comme si nous ne comprenions que la lettre et non l'Esprit de l'Évangile. Personnellement, si suivre le Christ m'a bien fait renoncer à moi-même, ce n'est pas dans le sens d'une mutilation : bien au contraire, la foi en lui m'a permis de m'épanouir d'un côté en acceptant de regarder en face mes "ténèbres", ce que d'autres appellent les "choses refoulées", et de l'autre, en trouvant en Dieu le principe d'une vie heureuse, extraordinairement intense et bonne (au sens d'un bon fruit). Si j'ai renoncé à quelque chose, finalement, c'est à ce qui est faux et nocif - tout ce qu'on peut mettre sous l'étiquette d'un "faux moi" et aussi au "faux Dieu", psychique, idéalisé - pour ce qui est vrai et bon. Mais ça, je n'ai pas trouvé de chrétiens qui le comprennent !

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