J’ai cru bon
d’aimer en renonçant à moi-même,
J’ai cru juste de
mettre en retrait mes désirs, mes goûts.
J’ai même cru que
ça me sauverait !
C’était une erreur.
J’ai dépéri. Ca m'a rendu triste, un peu dépressif.
J’ai cru que Jésus
disait « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il se renonce lui-même. »
Mais non, Jésus n’a
pas demandé ça.
Une telle demande
serait malsaine, une telle demande produirait de la négation de soi, ce qui
serait une faute contre le don, une faute contre la grâce. Ce serait source de
tristesse et de déprime. Je l’ai vu parfois chez des chrétiens. Surtout chez
des prêtres.
On trouve des prédications qui dénoncent l'esprit de maîtrise : A quoi reconnait-on la marque de Satan ? Au goût de
la possession et de la volonté propre. Tout selon mon désir, tout selon ma
mesure. La royauté et la loi, l’ordre que j’impose aux éléments, au monde, à
mon prochain - tout me sera soumis. Je m’appartiens !
Mais une telle
dénonciation risque d'encourager le mépris de soi, et de laisser mal comprendre ce
que signifie marcher à la suite du Christ. Je crois que ce serait malsain.
Certaines écoles spirituelles nous ont mal aiguillés. Voyez cette glorification de la destruction de soi-même :
« Avant toutes choses, il faut donc faire de moi un
homme nouveau ; il faut cesser d'être tout ce que je suis, afin de pouvoir être
tout ce que vous prétendez que je sois; […] il faut donc en quelque sorte me
détruire moi-même ; puisque cela ne se peut que par de violents combats contre
moi-même, que par une mortification continuelle, que par une parfaite
abnégation, c'est par là que je vais entrer dans la sainte carrière où vous
m'appelez. Tels furent les sentiments
d'Ignace, telle fut sa résolution.
Abbaye de Saint Benoît (Suisse) – Sermon pour la fête de St
Ignace de Loyola
Si je parle contre
l’abnégation, ce n’est pas pour défendre une idée.
Ce n’est pas une
idée mais un constat : elle porte trop de mauvais fruits.
Je pense à mes
frères semi-dépressifs, qui croient que c’est ce qui leur est demandé.
- Est-ce que tu
prends soin de toi ? Est-ce que tu te donnes des plaisirs (ou seulement du
repos) ? Est-ce que tu fais des choses que tu aimes, par esprit de louange :
pour jouir de tes goûts et rendre grâce à Dieu ?
- Est-ce que tu
t’interdis de protester lorsqu’on te manque de respect ? Est-ce que tu es d'une
gentillesse mal placée ?
- Est-ce que tu
subis des réunions chiantes et mal préparées ?
- Est-ce que tu
subis les autres – et si oui, pourquoi, qui te l’a demandé ?
Le Christ ne
demande pas la négation de soi. Il dit : Viens à ma suite et laisse-moi te
montrer, te guider. Veux-tu élargir ton regard, et l’élever ? Il te faut
renoncer à tout maîtriser dans ta vie, et accepter que le regard aimant et la
parole de l’autre peuvent engendrer, comme une bénédiction, une source de
renouvellement.
.
Oui, c'est vrai : la suite du Christ est très mal comprise, parce qu'on cherche à coller à des modèles du passé comme si l'Esprit nous manquait pour nous inspirer aujourd'hui la manière de le suivre. Comme si nous ne comprenions que la lettre et non l'Esprit de l'Évangile. Personnellement, si suivre le Christ m'a bien fait renoncer à moi-même, ce n'est pas dans le sens d'une mutilation : bien au contraire, la foi en lui m'a permis de m'épanouir d'un côté en acceptant de regarder en face mes "ténèbres", ce que d'autres appellent les "choses refoulées", et de l'autre, en trouvant en Dieu le principe d'une vie heureuse, extraordinairement intense et bonne (au sens d'un bon fruit). Si j'ai renoncé à quelque chose, finalement, c'est à ce qui est faux et nocif - tout ce qu'on peut mettre sous l'étiquette d'un "faux moi" et aussi au "faux Dieu", psychique, idéalisé - pour ce qui est vrai et bon. Mais ça, je n'ai pas trouvé de chrétiens qui le comprennent !
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