mercredi 17 septembre 2025

Quitter la prêtrise ?  Je suis triste.  J’ai résisté, je ne voulais pas,
mais maintenant il faut avancer, à cause du manque de cohérence entre ma vie et le service de prêtre.



Je suis de plus en plus en désaccord avec l’Eglise. D’une part avec sa pastorale, sa façon d’accueillir les gens, et d’autre part sur des points importants de la doctrine chrétienne ; je ne participe plus à l’eucharistie dominicale, sauf lorsque l’on me demande de remplacer un prêtre ; je ne suis plus membre d’une équipe de la Communauté Mission de France, et ne participe plus aux réunions régionales. Et depuis quelques années, je n’honore plus l’engagement au célibat des prêtres.

Est-ce que je peux rester prêtre ? La réponse n’appartient pas qu’à moi. Elle appartient aussi à la Mission de France qui m’a ordonné et envoyé. Être prêtre, ce n’est pas une affaire privée qui ne regarde que moi. Ça regarde ceux qui y ont mis un bout de leur cœur, un peu de leur confiance et de leur foi. Ma prêtrise ne m’appartient pas, mais j’en suis responsable.



Comme j’ai aimé la prêtrise ! Je me suis beaucoup donné. Je me suis « défoncé ». Ça m’a beaucoup apporté, ça m’a construit.

La prêtrise est pour moi un trésor.

C’est une aventure extrêmement riche, qui nous conduit à côtoyer le plus intime et le plus précieux de la vie des gens, à partager leurs joies et leurs espoirs, leurs tristesses et angoisses.

La prêtrise est pour moi la matière et le moyen de cette quête : je me vois comme un chercheur, chercheur scientifique, et chercheur en quête de Dieu. Nous sommes prêtres pour recueillir, lorsqu’il s’exprime, un frémissement de désir de Dieu, de la part de ceux que nous côtoyons. Leur relation à Dieu, parfois bancale, tenant parfois plus de la piété que de l’évangile, il nous appartient de la recevoir, de la chérir, et de l’élever vers Dieu comme une pierre précieuse découverte en chemin.

Les gens ont parfois de Dieu une représentation assez éloignée de celle de l’Evangile. Ils perçoivent parfois la bible comme un livre de préceptes. D’autres voient l’Evangile comme le récit de la vie d’un saint homme.

Nombreux sont très loin de la foi chrétienne, c'est-à-dire de l’Evangile comme une incroyable révolution qui peut rendre libre et aimant. Nous sommes prêtres au service de cette liberté, acquise par Jésus-Christ, de façon définitive et pour tous ceux qui le veulent.

Dans ma vie de prêtre, je suis convaincu de faire du bon boulot. La Mission de France m’a rendu attentif aux éloignés, ceux qui se sont sentis écartés de l’Eglise, attentif aux langages religieux inaccessibles pour les gens, aux questions qui ne rejoignent pas leur vie.

Passionné de ce service de prêtre, qui consiste à
- relever, soutenir, encourager, consoler, écouter, pleurer, prier, libérer, pardonner, éclairer, parfois prendre des reproches, avaler des couleuvres.
- rassembler la prière, la susciter, lui donner des mots qui rejoignent ce que les gens portent dans le cœur.

C'est très précieux d'être au service de cette communion. Nous sommes prêtres pour recueillir, de ceux que nous côtoyons, leur frémissement de désir de Dieu. Cette relation à Dieu, parfois balbutiante, il nous faut la recevoir, la chérir, et l'élever vers Dieu comme une pierre précieuse découverte en chemin.

C’est précieux de sentir qu’on a vraiment aidé quelqu’un dans un passage difficile, d’être témoin de la beauté intérieure des gens, de leurs débats, de leurs choix.





L’histoire de Joséphine et Salvatore.

Il y a quelques mois, une responsable de la catéchèse paroissiale de mon village me contacte pour me demander si je pourrais faire une messe d’action de grâce pour les 70 ans de mariage d’un couple, et leur nombreuse famille. Richard le curé n’est pas disponible.

Je ne suis pas très chaud. Je n’aime pas trop les messes « privées ». Je préfère intégrer les événements individuels à la messe qui rassemble la communauté chrétienne. Mais bon, j’accepte sur l’insistance de la catéchiste qui les connaît bien et estime qu’il faut répondre à leur demande. Je rencontre Joséphine (86 ans) et Salvatore (91 ans) pour bâtir la célébration. Ce sont des gens qui ont baigné dans l’Eglise toute leur vie !

Je leur demande quels sont les textes bibliques qui ont été pour eux des guides, des lanternes. Leur réponse me surprend. Ils n’ont en mémoire aucun texte biblique. Mais ils prient tous les jours avec ceci : « Cœur sacré de Jésus, faites qu’une goutte de votre sang sacré tombe sur l’âme de ceux que j’aime, tous mes êtres chers, tous mes défunts. »

Au fur et à mesure que le dialogue avance, je réalise que leur religion est tissée de piété, mais ça n’a à peu près rien à voir avec la foi chrétienne. Ils sont croyants selon l’ancienne alliance, selon une religion de la rétribution qui est loin d’être évangélisée.

Que s’est-il passé ? Comment leur fréquentation assidue de l’Eglise ne leur a-t-elle pas permis de « mouiller à l’Evangile », pour paraphraser le mot de Péguy ? Qu’est-ce que nous n’avons pas fait, nous, les prêtres, pour n’avoir pas permis l’accès à l’Evangile ?

Je me suis mis au travail, pour bâtir une messe d’action de grâce, pour et avec une famille pieuse mais largement étrangère à la foi chrétienne. Je ne sais pas comment je me suis débrouillé, mais je sais que j’ai trouvé des mots qui leur ont parlé au cœur, des mots qui disent Dieu merci, des mots pour élever vers Dieu le cri inarticulé de leur foi. Je sais que j’ai fait du bon boulot, et qu’ils sont sortis en disant que l’église est un lieu où il se passe de belles choses.

J’aurais pu raconter aussi une histoire qui se passe dans mon lieu professionnel, une de ces histoires qui concernent mes collègues de travail. Elles sont le quotidien de ma vie de prêtre. C’est parce que je n’ai pas charge de paroisse que j’ai le temps de répondre à de telles demandes. C’est aussi parce que la Mission de France a éduqué ma sensibilité à cette forme de mission. C’est parce que j’ai été envoyé pour ça, à ces gens qui sont mon peuple. Même si je suis attaché à la prêtrise, et que j’y fais du bon boulot, est-ce suffisant pour rester prêtre ?



La Mission de France est pour moi une famille, qui m’aime et que j’aime.

J’aime ces visages des hommes et femmes de la Communauté Mission de France, cette fraternité profonde, généreuse, engagée pour le monde et pour le Christ. C’est mon milieu chrétien depuis 28 ans, celui qui correspond à ma sensibilité et dans lequel je me sens en cohérence.

Je suis très attaché à mes frères prêtres de la Mission de France. Très attaché aussi à la spécificité de la mission confiée à la CMdF, à l’œuvre qu’elle accomplit pour l’Eglise et pour le monde. J’ai tellement reçu !

Je crains que certains ne disent : Comment n’avons-nous pas vu venir l’éloignement d’Antoine, avons-nous manqué de fraternité ? Je réponds : non, personne n’a manqué de fraternité à mon égard, au contraire, les signes d’amitié n’ont jamais manqué. Ce que je vis, je l’ai choisi. Personne ne peut se reprocher d’avoir manqué à la fraternité.









Sans cesse j’ai contre l’Eglise des reproches, des griefs

Certains confondent leur ministère avec un Check-Point

Très souvent – bien trop souvent – l’Eglise ne parvient plus à accueillir correctement les gens. Tous ces gens qui viennent avec leurs souffrances, ou bien leurs projets de vie, qui frappent à la porte de l’Eglise pour demander que leur projet soit béni, que leur souffrance soit accompagnée…

Souvent ils sont confrontés à des règles, des exigences, des refus. C’est tellement fréquent ! L’Eglise s’est peu à peu hérissée de règles, d’exigences, de refus.

Le Christ au contraire faisait tomber les barrières, tomber les limites, il s’opposait au légalisme, il relevait la pécheresse accusée, il dînait chez le collabo, il se laissait caresser par la prostituée.

L’Eglise fait tout le contraire. Elle se comporte en AntéChrist. De plus en plus souvent j’ai honte de l’Eglise, de ses manquements, des plaintes que les gens viennent me dire. Progressivement, je suis au service des gens et de l’évangile, mais en décalage avec l’Eglise. Sans cesse j’ai contre elle des reproches, des griefs.

Il y a maintenant bien peu de prêtres. Ils sont débordés, indisponibles. Certains deviennent inattentifs, grossiers, autoritaires. Les gens s’en vont avec leurs souffrances, avec leur projet de vie. A qui irons-nous ??





Ils sont exécuté la liturgie,

Certains confondent sacrement et geste magique.

Une histoire triste. C’est l’histoire d’un baptême. A la fin de la cérémonie, le prêtre se rend compte qu’il a oublié la bénédiction de l’eau. Alors il recommence tout, et rebaptise les trois enfants.

Cet homme n’a donc rien compris à ce qu’il fait. Il croit que la bénédiction de l’eau est indispensable pour la validité du baptême. Il a une compréhension erronée de la liturgie. Il confond sacrement et geste magique.

Ils sont nombreux, ceux qui président la liturgie, mais ne l’ont pas comprise. Très nombreux, ceux qui croient que la liturgie c’est de l’ordre du magique : ils ne le reconnaîtront pas, mais leur comportement le prouve, comme le prêtre ci-dessus.

Ils ne comprennent pas ce qu’ils font !! C’est effrayant.  Ils ont les yeux rivés au missel, de crainte de ne pas dire ce qui est écrit. Ils croient que la rubrique importe. Ils ignorent que la lettre tue.

Ils ont tué la liturgie en voulant l’exécuter scrupuleusement. Même la prière eucharistique : ils n’ont pas perçu que l’essentiel est de prier ce que l’on dit. L’essentiel est d’habiter intérieurement la prière eucharistique, c’est de faire de soi-même une résonnance à cette prière qui élève vers Dieu l’action de grâce de toute l’Eglise.

Même le récit de l’institution de l’eucharistie, ils le prononcent les yeux dans le livre. Pourquoi ? Ont-ils peur de butter ? de se tromper ?  

Quelle est cette erreur qui consiste à dire les paroles de la consécration dans le calice ou en rapprochant l’hostie de la bouche, comme si certains craignaient que leur parole consécratoire n’atteigne pas le pain et le vin… et manque alors de réaliser la présence réelle, la transsubstantiation. Comme si une distance excessive entre la bouche et les offrandes pouvait diluer l’effet ou la puissance de cette parole ? Il faut leur ré-expliquer ce que signifie la parole performatrice qui fait ce qu’elle dit.

Eux aussi n’ont pas compris ce qu’ils font. Eux aussi ont confondu sacrement et geste magique. C’est pathétique.







Des désaccords profonds, théologiques et doctrinaux

distance avec la foi chrétienne : non pas avec l'évangile, mais avec la foi en un Dieu créateur, aimant, qui se lie à la contingence humaine (en se faisant homme), et en qui nous pouvons fonder notre confiance dans un dépassement du mal, et une confiance dans une autre forme de vie, au delà de la mort.

En fait je ne crois pas que Dieu soit doué d'une intention ni d'une volonté, ni que Dieu existe (ex-sistere, se tenir, être là). Dieu est, mais pas selon le mode d'exister. Le verbe exister ne convient pas car il objective Dieu, comme une tarte aux pommes, un rouge-gorge, ou comme un concept.

Je me sens proche de Spinoza lorsqu'il dit : Dieu, c'est à dire la nature. Dans cette expression, je retrouve Dieu généreux, bienveillant, créateur, sans intention ni volonté, sans manipulation de l'histoire. Cette expression éveille en moi la contemplation devant la beauté de la nature, et sa complexité (le biologiste est époustouflé).

Mais Dieu sauveur? Dieu qui fera justice aux pauvres? Dieu qui convertira le mal? Ces promesses ne seront pas tenues je le crains...





Jésus n’est ni Dieu, ni fils de Dieu.

                         Et l’esprit de Dieu n’est pas une personne

Les textes évangéliques ne manquent pas, qui s’opposent au concept de trinité.  Une même substance, Dieu – trois personnes, trois hypostases, Père Fils Esprit.

Jésus n’est pas Dieu, n’est pas le fils de Dieu. C’est un homme choisi par Dieu, élu (interprétation adoptianiste), c’est un envoyé, et de cet envoi coule sa Mission, sa Parole, sa capacité à faire des Signes.





L’immaculée conception est une sottise et une insulte

L’immaculée conception est une sottise et une insulte à l’humanité. Elle concerne le fait que les parents de Marie, mère de Jésus, ont conçu leur fille selon une exceptionnelle grâce, par laquelle le péché originel n’a pas été transmis, Marie est donc intacte de toute souillure du péché originel. Cette doctrine a été débattue par les théologiens au cours du Moyen Age et a été rejetée par Thomas d'Aquin.

Le péché originel a été formulé par St Augustin, l’évêque d’Hippone. Cette doctrine affirme que la nature humaine est corrompue depuis la superbia, l’orgueil d’Adam et Eve, et que tout être humain se trouve en état de péché du seul fait qu'il relève de la postérité d'Adam et de la race des humains : c’est leur « savoir le bien et le mal » (certains estime que c’est la conscience), c’est leur propension à juger, à juger l’autre, c’est ce savoir qui s’érige en jugement de l’autre : voilà le péché.

La doctrine de l’immaculée conception est une insulte à la sexualité, car elle suppose que la transmission du péché originel est liée à la concupiscence, au désir, à l’acte sexuel.

Elle est encore une insulte à l’humanité car elle suppose que Dieu ne peut pas venir dans notre humanité telle qu’elle est : il faut une jeune femme conçue sans péché, seul sein digne d’accueillir Dieu. Mais alors… cela suppose que l’humanité ne peut pas, telle qu’elle est, être un hôte digne de Dieu ? C’est en pleine contradiction avec l’évangile dans lequel Jésus nous rassure sans-cesse : Dieu fera en vous sa demeure.



Je suis passionné pour la bible : c'est un recueil extraordinaire de sagesses, d'expériences humaines, et elle est remplie de méditations sur ce qu'est la vie humaine, ce qu'il vaut mieux éviter, comment le pouvoir est un art difficile, elle révèle nos propres contradictions, vraiment c'est un livre de vie !

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