dimanche 11 avril 2010

Hommage à l'Eternelle.

La vie, le vivant, la nature. Comment sommes-nous « chevillés » avec ces réalités ? Nos laboratoires de recherche ont remisé au placard leurs microscopes pour des amplificateurs d’adn. Ils utilisent beau­coup d'imagerie et de signaux pour connaître le vivant. Comment cela est-il vécu par un prêtre - biologiste ? Quelle part de contemplation mystique ? Un article pour le n° 219 de la Lettre aux Communautés.


Dans la voiture, les idées me tournent dans la tête. La journée au labora­toire a été chargée. On me demande de mettre au point des diagnostiques génétiques. Il s'agit de détecter la présence de bactéries sur des biopsies. Et non seulement il faut détecter ces bactéries mais les identifier : est-ce un staphylocoque, une légionelle, un colibacille ?

Je tourne la clef dans la serrure et rentre chez moi. Fidèle à son habitude, Arnaud me salue en Kiswahili :

- Karibou !
Je suis sensé répondre :
- Assantê !
- As-tu bien chassé la bactérie ?
- ?!? Comment répondre ?
- Raconte ce que tu fais dans ton labo…

Je voudrais raconter que mes bactéries, je ne les ai jamais vues.
Je voudrais montrer que la vie est forte, puissante, résistante.
Je voudrais dire mon émerveillement de scientifique, ébloui de contempla­tion.

La vision empêchée.

Dans mon labo, nous n'utilisons jamais de microscope. Nous ne re­gardons jamais les bactéries. Comment comprendre que l'on puisse étudier des bacté­ries que l'on ne voit jamais ? La vision est un mode de connaissance, mais pas le seul. Dans mon travail, nous n'avons jamais recours à l'observation oculaire. Nous avons recours à la biologie moléculaire ; c'est une technique récente, utilisée en bactériologie, en virologie, en génétique, en criminologie, etc…

La biologie moléculaire, c'est notre mode gnostique[1]. On pourrait chercher une comparaison dans l'économie. On ne peut pas "voir" l'économie d'un pays ; on utilise d'autre indicateurs : les variations du produit intérieur brut, le taux des prêts bancaires, le nombre de demandeurs d'emplois, d'embauches, de licenciements, les cotations en bourse, les parts de marché à l'étranger, etc… voilà un mode de connaissance qui n'est pas visuel.

Une autre comparaison : celle d'une usine de production de films photogra­phiques, sensibles à la lumière, donc fabriqués dans l'obscu­rité. L'usine possède des capteurs de toutes sortes, capables de sentir comment se dérou­lent les étapes de production. Tous ces capteurs sont reliés à un centre de contrôle qui fait converger les renseigne­ments et permet à l'opérateur de vérifier si tout se déroule correcte­ment. On peut si nécessaire augmenter la pression en fermant une électrovanne, ou ralentir le rythme d'une chaîne… Voilà un autre exemple où la vision n'est pas nécessaire, elle est même em­pêchée.

En génétique aussi, la vision est empêchée. On se trouve au niveau de l'in­finiment petit : au-delà de ce dont les microscopes peuvent don­ner une image. On ne peut donc pas avoir d'image. Faut-il le regretter ? L'image nous aurait-elle donné la meilleure connais­sance expérimentale ? L'image est-elle la perfection de la représentation ?

Nous, humains, sommes habitués à faire confiance à ce que nous voyons, parce que 70% des informations qui parviennent à notre cer­veau nous sont apportées par la vision.
Et c'est devenu un principe d'acquisition de la connaissance : "Je ne crois que ce que je vois." Cependant nous savons aussi que ce que nous voyons peut être incomplet ou trompeur. C'est d'autant plus vrai depuis que l'on maîtrise parfaitement la manipulation de l'image.

Donc nous n'avons pas recours à l'observation oculaire, nous avons la vi­sion empêchée. Et cependant, un aveugle ne pourrait pas faire notre travail : la vue nous est nécessaire à tout instant. Les ordinateurs collectent les résul­tats, et nous passons nos journées devant des écrans. Ce qu'observent nos yeux, ce sont les traceurs, les sondes de révéla­tion, les colorations de détec­tion; et il faut une bonne vue, car parfois le tracé d'une courbe peut révéler un détail significatif. Gare à celui qui jettera un coup d'œil à la dégoûtée, il risque de passer à côté des détails qui font toute la différence… La vision est empêchée, mais la vue est indispensable.

Le véhicule du patrimoine génétique.

En génétique, nous ne craignons pas de nous fier à une autre source de connaissance que la vision : c'est l'information génétique, portée par les chromosomes. Nous tentons donc de lire le chromosome. Pour­quoi "lire" ? Parce que le chromosome est comme une bande magné­tique : il y a un sens de lecture, et l'information est codée selon un alphabet de seulement quatre bases (A, C, G et T). Un peu comme les codes barre dans le commerce : c'est leur succession qui fait le message.

TTGTTAACACCCCCGT Voilà par exemple une séquence généti­que de 16 bases. Voyons combien de séquences différentes il existe pour une telle longueur ? En première position, il y a quatre possibi­lités : A, ou C, ou G, ou T. Idem en deuxième position. Idem en troisième, etc… Pour les trois premières positions, c'est donc 4 fois 4 fois 4. D'accord ? C'est-à-dire 64. Pour une longueur 16, c'est 4 à la puissance 16. Ça fait plus de quatre mil­liards.

Donc la nature sait écrire plus de quatre milliards de messages diffé­rents rien qu'en utilisant 4 bases à placer sur une séquence de 16. C'est merveil­leux, non ? Si je vous dis maintenant que le patrimoine généti­que d'une bactérie tient dans un million de bases, est-ce que ça vous donne envie de faire le calcul ? C’est 4 à la puissance un million…

Arnaud me dit que ce passage est un peu difficile. Allez, relisez-le, c'est de ce bois là que vous êtes tous faits !!

C'est donc sur ce principe en base quatre (a, c, g, t) que la TOTALITÉ des patrimoines génétiques de l'ensemble des organismes vivants sur la terre (animaux, plantes, microorganismes) est portée, conservée, et transmise. Avec double copie, puisque les chromosomes sont constitués de deux brins complémentaires. L'un permet de corri­ger les erreurs ou les dommages sur l'autre. Et toute la nature est ainsi faite, elle est remplie d'une stupéfiante com­plexité. Précise, efficace, la vie est d'une puissance extraordinaire. Plus forte que la mort. On a dit ça aussi de l'amour : plus fort que la mort. Je pense pour ma part que ces deux réalités de vie et d'amour sont de la même es­sence.

Or si chacun a accès à la beauté des arbres, fleurs, insectes, animaux, la nature a d'autres beautés cachées, de nature moléculaire, protéique, généti­que, nucléaire ! Et les biologistes sont souvent très sensibles à la beauté de ce qu'ils étudient. C'est une esthétique, non pas visuelle, mais expérimentale. Ils ont du mal à en parler, à décrire cette beauté, car elle ne se laisse voir que sous le prisme des mécanismes du vivant. Il faut donc un peu de connais­sance pour comprendre ces mécanismes et percevoir la diversité, le génie du vivant.

Biologie et Contemplation.

J'ai passé mes études de biologie dans le bonheur et la contem­plation : je contemplais la nature, sa perfection, son génie, sa préci­sion, sa diversité, sa beauté. Chaque cours était un nouveau voyage dans l'époustouflante nature. Cette contemplation n'est pas de nature vi­suelle mais intellectuelle : c'est l'intelligence qui découvre la complexité des mécanismes de la vie, et qui s'en émerveille.

Les émissions naturalistes à la télé, nous font découvrir la diversité des plantes et des animaux, l'inventivité de la vie pour coloniser des milieux inhospitaliers, la lutte pour la survie, à travers des processus de défenses, de menaces. Je pense au mimétisme de certains papil­lons, qui deviennent invi­sibles lorsqu'ils se posent sur le tronc d'un arbre ; à l'hermaphrodisme des escargots, aux couleurs vives de certai­nes grenouilles, qui signalent aux prédateurs éventuels que leur peau est mortellement toxique ! Je pense aux mécanismes de fécondation que les fleurs ont développé, utilisant les abeilles comme transporteurs et pollinisateurs ! Lorsque je tombe sur l'une de ces émissions, je ne peux plus m'en détacher. C'est si beau !

Mais à l'université, je découvrais d'autres merveilles de la nature : de celles que l'on ne peut pas montrer par des images ; la formation du papillon à l'intérieur de la chrysalide, la réorganisation des organes, qui font passer de la chenille au papillon, la composition du filament baveux qui formera le fil soyeux duquel il tissera son cocon ; comment un fil aussi fin peut-il réunir tant de qualités : il est résistant, souple, long, collant … On sait qu'il est de composition protéique. Pourrait-on le produire pour l'utiliser nous aussi ?

J'ai découvert durant mes études la précision des mécanismes de fa­brica­tion des composants de la vie : lipides, protéines, complexes multi-enzymati­ques… Saviez-vous que c'est splendide ? Vous a-t-on dit que cette machine­rie est rapide et sûre ? On y trouve nombreux niveaux de "contrôle qualité", on y trouve des régulations pour que ça aille plus ou moins vite. On y trouve des parasites : les virus, qui vien­nent détourner à leur profit l'ensemble de la machinerie cellulaire ; celle-ci ne fabrique plus alors que des composants viraux.

Et les membranes ? Vous a-t-on raconté de quoi les membranes des cellules sont formées ? De lipides principalement. Les membra­nes contrôlent l'entrée et la sortie de tous les échanges entre la cellule et son milieu extérieur. Par endroits, de gros tuyaux contrôlent l'im­portation de molécules spéciales, comme les vitamines. Ces gros tuyaux fonctionnent comme des pores : on les appelle les porines. On ne les a jamais vu fonc­tionner, mais on sait, mieux que selon la vue, comment ça marche. On sait comment la vitamine se présente à l'entrée, comment elle est identifiée par son adaptation parfaite à la zone de reconnaissance; on sait comment elle est rejetée ou intégrée, attirée vers l'intérieur, puis larguée à l'intérieur de la cellule où d'autres molécules la prendront en charge.

Vous parlerai-je encore des récepteurs, qui à la surface des cellules guet­tent l'apparition de leur molécule-signal ? Lorsque celle-ci vient se poser sur son récepteur, le récepteur se contorsionne[2] : cette contorsion est perçue par la cellule comme un message. Par exemple : "transmettez un influx nerveux de niveau 2", ou encore "sucre disponible dans les environs". La cellule déclanche alors des réactions adaptées.

Son génie, sa perfection physicochimique, biochimique, génétique, sa pré­cision, la diversité de ses ressources, son inventivité… le génie de la vie est source de contemplation. Le génie de la vie inspire le respect et interdit qu'on veuille se l'approprier. La vie est à aimer et à recevoir. Elle est belle…

L’autre face cachée de la vie.

Il existe une autre face cachée de la nature. Pour quelle raison est-elle cachée ? Non qu'elle soit impossible à voir, non, c'est plus trivial : c'est une face de la vie qui n'est pas photogénique. C'est la vie bactérienne. Les chaînes de télévision auraient bien du mal à faire un sujet sur ces petits bâtonnets presque immobiles. Une fois que vous les avez montrés se déve­loppant sur de la viande avariée ou en train de fabriquer un antibiotique dans une usine pharmaceutique, vous êtes rapidement à court d'idées, et l'audimat s'effondre… et pourtant !

Et pourtant la vie bactérienne est la forme de vie dominante sur la terre. C'est la forme de vie la plus variée. Elle habite certaines niches écologiques extrêmes, qu'aucune autre forme de vie n'est capable de coloniser. C'est la seule forme de vie qui n'est pas dépendante de l'énergie solaire. C'est pro­bablement la seule forme de vie qui résisterait à une catastrophe nucléaire ou planétaire, puisque l'on trouve des bactéries profondément enfouies : dans la croûte terrestre, les nappes pétrolières, les fonds marins, etc.

J'ai gardé un article de Philippe Deterre[3], présentant le livre de Stephen Jay Gould : L'Eventail du Vivant - Le mythe du progrès. « L'ensemble du livre de S.J.Gould fourmille d'exemples et de démonstra­tions croustillantes. La partie la plus neuve est la dernière, celle qui concerne l'exemple des bactéries (chapitre 14). Elle prend en compte les dernières découvertes en ce domaine, en particulier, celles qui concernent les bactéries qui vivent près des sources chaudes et acides des fosses sous-marines. « Récapitulons : L'arbre généalogique[4] de la vie comprend trois troncs. Deux ne concerne que les bactéries, qui sont donc considérablement plus va­riées que tout le reste du vivant : il y a plus de distance généalogique entre certaines espèces bactériennes qu'entre la levure et l'Homme !

On pensait jusqu'ici que la vie était dépendante de la lumière du soleil. C'est faux : beaucoup d'espèces bactériennes vivent sans jamais "voir" le soleil. Les estimations actuelles montrent que les bactéries représentent la biomasse la plus importante sur terre, plus importante encore que les végétaux et les arbres. « Nous vivons aujourd'hui dans l'âge des bactéries. Notre planète a toujours été dans l'âge des bactéries (...) Les bactéries sont et ont toujours été la forme de vie dominante sur Terre. » Dire que c'est la forme de vie dominante, c'est choisir certains critères pour appuyer cette affirmation. Ces critères sont comme on l'a dit, la biomasse, la capacité à se développer sur des milieux inhospitaliers, la résistance aux risques majeurs, mais aussi la rapidité de multiplication, la diversité des sources d'énergie.

Cela ne signifie pas que ce soit une forme de vie "supérieure" : les humains aiment à garder pour eux-mêmes ce terme. Ils choisissent l'intelligence pour critère de supériorité. Je souscris à ce jugement, je le justifie par la maî­trise de l'Homme sur terre, et par la créativité sans égale que la vie humaine a apporté. Cependant le jugement de l'Homme sur lui-même va plus loin.

L'Homme se considère volontiers comme le but ultime que voulaient atteindre la création et l'évolution. Oh le gros péché d'orgueil ! Il y a de l'anthropocentrisme dans cette conception. Ce gros péché redouble en se don­nant des justifications religieuses : Dieu le voulait ainsi. Que Dieu nous ait voulus, je le crois aussi. Qu'il ne veuille que nous, c'est à voir…

Et l'Homme dans tout ça ?

La vie est apparue sur terre d'abord sous la forme de cellules isolées : ce que sont les bactéries. C'est d'elles que vient toute vie. D'elles que nous venons. Un chemin inattendu, improbable, a conduit de la bactérie à l'Homme. Il n'est pas dit que ce soit là le point final de l'évolution. Sommes-nous au début ? à la fin de l'évolution ? Croyons-nous que l'humanité est le point final de l'évolution ? Excluons-nous que l'évolution puisse conduire ailleurs ? Puisque nous confessons Dieu fait Homme; puisque nous confessons qu'en Christ se réalise l'accom­plissement de tout l'amour de Dieu, puisque nous reconnaissons en lui l'Alpha et l'Oméga, l'origine et l'accomplissement de la création, quelles en sont les conséquences, du point de vue de notre compréhension de l'évolution ?

Le Christ est mon berger, mon maître; il est pour moi la joie et la miséri­corde de Dieu, il est pour moi l'envoyé, le visage humain de Dieu. Pourtant, je ne peux pas me prononcer de façon définitive sur l'avenir de la création. Je ne peux pas dire : "l'Homme est la finalité de l'évolution".

Je confesse que Dieu à fait l'Homme à son image… « Homme et Femme il les créa, à la ressemblance de Dieu il les créa ». Mais quelle est la nature de cette ressemblance : sur quoi porte-t-elle ? Dès l'âge de quatorze ans j'avais compris que la vie valait d'être vécue à hauteur de l'amour : j'avais perçu que l'amour est la nature de l'Homme. L'Homme est un être tissé de vie, tissé de nature vivante plutôt que de nature gazeuse, ou minérale, ou vibratoire : il existe en effet des réalités physiques qui sont d'une autre nature que de nature vivante. Entre l'homme et Dieu, je ne crois pas que la ressemblance soit morphologique. Pour moi, l'Homme ressemble à Dieu en ce qu'il est un être de désir, tissé dans l'amour. L'homme, est une réussite. Il le sait bien. Il se découvre aimé de Dieu, désiré, attendu.

C'est toi qui a créé mes reins,
qui m'as tissé dans le sein de ma mère.
Je reconnais devant toi la merveille,
l'être étonnant que je suis.
[5]


Aimé, oui. Fragile aussi. Il peut disparaître comme une herbe sèche.

L'homme, ses jours sont comme l'herbe,
comme la fleur des champs il fleurit,
dès que souffle le vent il n'est plus,
même la place où il était l'ignore
. [6]

Pour ma part, comme bien des croyants, je me suis découvert aimé de Dieu. Et cet amour n'a pas besoin d'être exclusif pour être précieux, vital. Je n'ai pas besoin d'être le rêve ultime de Dieu pour trouver en sa compagnie mes délices.

Le nombre et la mutation.

A l'heure où se répand la marée noire vomie par le catastrophique naufrage du pétrolier Prestige, nous craignons pour la faune maritime, pour la vie même de toute une région. Pourtant la vie est résistante, souvenez-vous. L'Amoco Cadiz, il y a vingt-cinq ans, échoué sur les côtes bretonnes, y avait déversé sa marée noire et semé la désolation et la révolte. Dix ans après, les spécialistes étaient stupé­faits : on croyait la vie massacrée pour cinquante ans, on croyait la faune disparue, anéantie, on croyait empoisonnés les oiseaux, les poissons, les crustacés, les algues… mais rapidement la vie est revenue, différente, pas comme avant, mais forte, oui forte, verdoyante, grouillante.

- Comment la vie réussit-elle à se frayer toujours un chemin à travers les catastrophes et les changements de milieux ?
- C'est à travers… le nombre et la mutation.

Le nombre permet la survie : qu'une catastrophe détruise une espèce à 99,999 pour cent par exemple, et pourtant sur une colonie bacté­rienne grosse comme un tête d'épingle, il en restera 0,001 % c'est-à-dire mille ! Or sachant qu’une seule cellule suffit pour que l'espèce reparte, vous pensez bien que mille…

La mutation permet l'adaptation. Sur le grand nombre, il y a toujours quelques originaux. Ce sont des "anormaux". Ce sont eux, les anormaux, qui vont sauver le genre. Car parmi ces anormaux, ces mutants, il y en a peut-être qui portent une mutation qui deviendra, après le changement d'envi­ronnement, un avantage. Un avantage sélectif. Cette mutation n'apportait rien jusque là. Soudain, elle rend la bactérie capable de survivre, parce que les conditions de vie ont changé.

Pourquoi, quelle était cette mutation ? A-t-elle rendu la cellule résistante à un gaz ? Capable de se développer dans un milieu salin ? Capable de para­siter un hôte ? Capable d'«hiberner» dans une coque protectrice, pour atten­dre des conditions favorables ? Bel hommage à ceux que l'on qualifiait d'anormaux !

Hommage à l’Eternelle.

Le nombre et la mutation !! Beaucoup mourront. Mais la vie trouvera son chemin autrement. Ce ne sera plus pareil, mais il y aura encore la vie. Beaucoup d'entre nous redoutent les changements. Les choses ne sont plus comme avant. C'est vrai. D'autres viennent après nous, ils feront différem­ment. Pour nous, hâtons-nous de trouver notre joie dans tout ce que nous aimons. Et soyons certains que nos façons de faire ne seront pas reconduites.

Qu'avons-nous transmis ? Nous avons transmis la vie, c'est magnifi­que. La vie est passée en nous, à travers nous. Elle est forte la vie. Nous sommes ses instruments, ses serviteurs, ses contemplateurs.

Quelqu'un veut-il résister à cela ? Comment résister à la force de la vie ?
Se donner la mort ?
Semer la mort ?
Mais non : le nombre et la mutation sont là, gardant l'accès de l'Arbre de la Vie, comme les flammes des deux épées tournoyantes.

Vous pouvez détruire tout ce que vous voudrez,
elle n'a qu'à ouvrir l'espace de ses bras pour tout reconstruire…
[7]

Certains ont voulu détruire le nombre. Ils ont voulu détruire tous les juifs ? Ils ont échoué. Israël est là. Qui voudrait maintenant détruire la mutation ? Intérieurement je ris : personne ne détruira la vie. C'est elle qui est l'Eter­nelle.

Que dis-je ? « C'est elle qui est l'Eternelle. » La Vie est elle divine ? J'ob­serve ses attributs : la vie est résistante, forte - plus que la mort. Elle est puissante, elle est créative. Là où il n'y avait que chaos et désolation, elle a fait naître la verdure, les arbres, les herbes et fleurs, les buissons et les mous­ses; elle a fait se multiplier un grouillement de bêtes, petites et grandes, dans les eaux, sur terre et dans le ciel, chacune selon son espèce. Partout la vie s'accroche, poussant sur les murailles, perçant le bitume, poussant là où il n'y a pas d'eau, poussant même sur la mort.

Je contemple avec étonnement, et je me demande s'il n'y a pas commune nature - s'il n'y a pas consubstantialité entre Dieu et la vie ? Entre Dieu et l'amour[8] ? Entre désir et force de vie ? Oui, il me semble parfois que Dieu est Amour, Désir et Vie. Ce sont les trois réalités supérieures. Ce sont les trois théophanies, les ma­nifestations de Dieu. Elles se fécondent mutuellement, s'engendrent mutuel­lement, elles sont communion et créativité. Regardez-les, elles baignent nos existences, elles les bénissent. Le désir, l'amour, la vie.




[1] Gnosis, en grec : connaissance, science, savoir.

[2] On parle de changement de conformation.

[3] A propos de "l'Eventail du Vivant - Le mythe du progrès", un livre de Stephen Jay Gould, Collection Science Ouverte. Seuil, 1997 Philippe DETERRE, lac octobre 98

[4] On parlera plus précisément d'arbre évolutif ou d'arbre philogénique.

[5] Psaume 138

[6] Psaume 103

[7] Francis Cabrel

[8] Saint Jean écrit : " Dieu est amour : celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu en lui. […] Celui qui n'aime pas, ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour. " Première lettre de St Jean, chapitre 4 versets 16 et 8.

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