lundi 25 mai 2009

Obama élu

6 Novembre 2009
Chers tous, je me suis promis de vous donner des nouvelles. Plutôt qu'un long récit, pourquoi ne pas tenir pour vous une chronique des premiers jours ? En voici la huitième page.

Une vague d'espérance s'est levée sur le pays.
Pas d'illusion pourtant, chacun sait que la récession économique est là, qu'elle frappe et frappera.
Mais l'espérance est sensible.

La campagne électorale avait évité d'aborder de front la question raciale. Grande habileté d'Obama qui n'en a jamais donnée l'occasion à ses adversaires politiques, ils seraient apparus racistes s'ils avaient été les premiers à en parler.

Or la question raciale, si elle a été étonnamment absente du débat, est maintenant centrale dans la joie, l'espérance qui frémit dans le pays. Ils ont élu un président afro-américain. Dans une société ou les noirs ne représentent que 13% de la population, le fait qu'on ait élu un président noir est la preuve que ce n'est pas un vote racial. Non, ce n'est pas un vote racial qui a portée Obama à la présidence. La question raciale, si lourde, si présente pour tant de gens, cette plaie se referme. La nation a tourné une page essentielle de son histoire. Une nouvelle page s'ouvre. Il n'est pas dit qu'elle sera facile, mais on peut enfin – quelle joie – vivre et bâtir sur de nouvelles bases, non seulement légales (celle-là, c'est Martin Luther King qui nous les a obtenues) mais sur un assentiment national. La question raciale a guéri dans la chair de la nation.

Il ne fera pas de miracle. Il prendra des décisions attendues sur la guerre, la protection santé, le sauvetage des familles endettées. Il fera des erreurs aussi. Chacun le sait, chacun s'y attend. Mais rien n'affadira la portée symbolique du geste de la nation. Ils l'ont fait. Ils en sont heureux, fiers, renouvelées.

Les informations que vous avez en France sont bonnes. Je les lis quotidiennement sur le site internet du journal Le Monde. Mais c'est ce climat de joie profonde que je veux vous partager. Les gens se regardent différemment. Il y a dans l'air un parfum de réconciliation nationale. C'est un sentiment très émouvant. Chacun occupe le même emploi que mardi, chacun est à la même place, mais depuis hier, un baume de légitimité est venu se poser sur tous. C'est comme si il n'y avait plus d'exclus. Ce sentiment devra malheureusement céder à la réalité. Oui il y a des exclus, des gens qui ne trouvent pas leur place. Mais ce matin alléluia une Espérance a jailli du tombeau.

Le pays s'est étonné de la vague de liesse populaire qui a éclaté à travers le monde. Pourquoi tant de manifestations joyeuses à propos d'une élection locale, dans notre pays? En quoi les autres pays sont-ils concernées par notre vote? Oui, le symbole d'une Amérique agressive, blanche, riche, ignorante du reste du monde, le symbole a trouvé une contradiction dans l'élection d'Obama. Enfin un président qui dans sa chair et son histoire connaît l'étendue du monde, et sait que l'humanité ne s'arrête pas aux frontières du pays. C'est de ce pays tellement puissant que vient ce changement, ce pays que toute l'Amérique Latine nomme "l'Empire". Oui, on a une bonne raison de croire que la politique étrangère peut changer dans ce pays le plus agresseur depuis cent ans! Peut-être le peuple US peut-il entrer à cette occasion dans la conscience de ce qu'il a fait subir au reste du monde, par exemple en ré-élisant Bush il y a quatre ans. C'est là une hypothèse que je fais, je ne l'ai pas vérifiée. Je suis entouré de gens qui depuis longtemps ont conscience de la grave responsabilité de leur pays dans le monde, et dans de nombreux conflits. Mais voila, la joie est là. Elle dépasse le pays. Ils en sont fiers, ils l'ont fait.

Je vous embrasse
Antoine